FIDÈLE À LUI-MÊME
Le TJ est l'incarnation même du tout-terrain, le plus Jeep des Jeep. Véritable mythe au sein de la production automobile américaine, au même titre que la Corvette ou la Mustang, il a, comme celles-ci, acquis le statut de légende de son vivant. Et ce, sans jamais s'écarter de sa vocation originale. Avec ce que cela implique...
Comme les anciens gauchistes convertis aux vertus du capitalisme, les utilitaires de tout poil se sont embourgeoisés au point de devenir des 4X4 de salon. Sauf le TJ et ses prédécesseurs (YJ et CJ), véritables gardiens de l'orthodoxie utilitaire. Même le temps n'est pas parvenu à adoucir ce pur et dur... ou si peu, car il a bien fallu, au fil des années, faire quelques concessions à la modernité. Celles-ci n'empêchèrent toutefois pas le TJ de demeurer fidèle à ses convictions; il n'a fait que s'adapter à son époque, un point c'est tout. Du reste, ces changements touchaient la forme plutôt que le fond. Et encore: ce fier descendant du Willys MB, qui entra en service au sein de l'armée américaine en 1941, a toujours affiché une très forte ressemblance avec son ancêtre. C'est ce qu'on appelle avoir de bons gènes.
DU RÊVE AU CAUCHEMAR
Profondément intègre, tout d'un bloc, le TJ a cependant les défauts de ses qualités. Son manque de raffinement en rebutera plus d'un, comme c'est souvent le cas pour ceux qui sont tellement hypnotisés par le mythe qu'ils n'en voient plus clair, et qui déchantent rapidement après s'être procuré le véhicule de leurs rêves. Qui tournent au cauchemar en moins de temps qu'il n'en faut pour dire « Jeep ».
Affirmer que le TJ n'est pas un engin à la portée de tous relève donc de l'euphémisme. Pour s'aventurer hors des sentiers battus, il ne se fait pas mieux, c'est vrai; mais pour suivre la mode en se pavanant au volant d'un quelconque utilitaire, il existe des modèles, disons, plus civilisés... Par contre, si vous êtes un peu masochiste et désirez prolonger votre souffrance - ou votre plaisir, c'est selon - en conduisant, c'est le véhicule idéal. À chacun ses perversions.
Voyons de plus près ce qu'implique la conduite d'un Jeep TJ. Dans un premier temps, il faut s'acclimater à une tenue de cap pour le moins aléatoire, causée en partie par un empattement très court. Mais surtout, les formes équarries de ce véhicule haut sur pattes ne favorisent guère l'aérodynamique, ce qui le rend hypersensible aux vents latéraux. Il faut donc constamment corriger à l'aide du volant, ce qui permet alors de constater une trop grande démultiplication de la direction. Celle-ci est cependant bien dosée, et son faible rayon de braquage facilite les man?uvres sur route comme hors route. Cette fois, l'empattement court est un plus. Mais pour le confort, on repassera... Idem pour les suspensions, dont la robustesse ne fait aucun doute; mais la dureté des amortisseurs entraîne des réactions de la caisse à la moindre inégalité du revêtement.
Vu le piètre état de notre réseau routier, on se retrouve ainsi plus souvent qu'autrement aux prises avec un véhicule instable, dont la conduite peut rapidement devenir une corvée. Ce n'est guère plus drôle dans les virages, où il faut tenir compte de la tenue de route délicate du TJ. Celle-ci est prévisible, certes, mais la limite est rapidement atteinte. Si, en plus, le pavage n'est pas lisse comme un billard, il faut redoubler de prudence, à cause des suspensions qui sautillent. Vous voilà averti. Et ça ne s'arrête pas là: le freinage y va lui aussi de ses réactions imprévisibles, en plus d'être mal servi par une pédale spongieuse. Dans ce dernier cas, on peut parler de problème génétique, car ce mal afflige la famille Jeep au grand complet.
Dans la colonne des plus, mentionnons le rendement du 6 cylindres en ligne de 4,0 litres, offert de série sur les versions Sport et Sahara. La version de base doit pour sa part se contenter du vétuste 4 cylindres de 2,5 litres, un moteur à bout de souffle (120 chevaux...) s'il en est un. Nerveux à bas régime, performant et généreux en couple, le 6 cylindres ne craint pas le dur labeur. Aussi robuste que vaillant, il est fin seul dans sa catégorie. Les deux boîtes de vitesses respirent elles aussi la solidité. Précise et bien étagée, la boîte manuelle tire un meilleur profit du moteur que l'automatique (à 3 rapports), qui cache mal son âge. Mais elle est éprouvée et pour un utilitaire, un vrai, c'est ce qui compte.
Il n'y a pas si longtemps, celui qui s'installait au volant d'un Jeep faisait face à une planche de bord en métal, garnie d'une instrumentation limitée au strict minimum. Cette époque est bel et bien révolue; en lieu et place, on retrouve plutôt un tableau de bord complet, aussi fonctionnel qu'agréable à l'?il. C'est l'une des rares concessions à la modernité évoquées plus haut. On pourrait aussi inclure l'ergonomie et la finition, tous deux en net progrès. Heureusement, d'ailleurs, qu'il y a des espaces de rangement, car le coffre à gants est minuscule; quant à la soute à bagages, elle incite à voyager léger. Très, très léger... Les sièges avant sont aussi confortables que la banquette arrière est inconfortable; de plus, le dégagement pour les jambes à l'arrière est restreint, pour ne pas dire inexistant. Et ne parlons pas de l'insonorisation, un concept abstrait à bord du TJ. Celui-ci est un vrai de vrai, un utilitaire au sens le plus pur du terme. Vu sous cet angle, il mérite considération, car c'est le plus doué et le plus résistant du lot. Sinon, cet objet de culte, si vous vous le procurez pour les mauvaises raisons, risque fort d'enrichir votre vocabulaire liturgique...
Le TJ est l'incarnation même du tout-terrain, le plus Jeep des Jeep. Véritable mythe au sein de la production automobile américaine, au même titre que la Corvette ou la Mustang, il a, comme celles-ci, acquis le statut de légende de son vivant. Et ce, sans jamais s'écarter de sa vocation originale. Avec ce que cela implique...
Comme les anciens gauchistes convertis aux vertus du capitalisme, les utilitaires de tout poil se sont embourgeoisés au point de devenir des 4X4 de salon. Sauf le TJ et ses prédécesseurs (YJ et CJ), véritables gardiens de l'orthodoxie utilitaire. Même le temps n'est pas parvenu à adoucir ce pur et dur... ou si peu, car il a bien fallu, au fil des années, faire quelques concessions à la modernité. Celles-ci n'empêchèrent toutefois pas le TJ de demeurer fidèle à ses convictions; il n'a fait que s'adapter à son époque, un point c'est tout. Du reste, ces changements touchaient la forme plutôt que le fond. Et encore: ce fier descendant du Willys MB, qui entra en service au sein de l'armée américaine en 1941, a toujours affiché une très forte ressemblance avec son ancêtre. C'est ce qu'on appelle avoir de bons gènes.
DU RÊVE AU CAUCHEMAR
Profondément intègre, tout d'un bloc, le TJ a cependant les défauts de ses qualités. Son manque de raffinement en rebutera plus d'un, comme c'est souvent le cas pour ceux qui sont tellement hypnotisés par le mythe qu'ils n'en voient plus clair, et qui déchantent rapidement après s'être procuré le véhicule de leurs rêves. Qui tournent au cauchemar en moins de temps qu'il n'en faut pour dire « Jeep ».
Affirmer que le TJ n'est pas un engin à la portée de tous relève donc de l'euphémisme. Pour s'aventurer hors des sentiers battus, il ne se fait pas mieux, c'est vrai; mais pour suivre la mode en se pavanant au volant d'un quelconque utilitaire, il existe des modèles, disons, plus civilisés... Par contre, si vous êtes un peu masochiste et désirez prolonger votre souffrance - ou votre plaisir, c'est selon - en conduisant, c'est le véhicule idéal. À chacun ses perversions.
Voyons de plus près ce qu'implique la conduite d'un Jeep TJ. Dans un premier temps, il faut s'acclimater à une tenue de cap pour le moins aléatoire, causée en partie par un empattement très court. Mais surtout, les formes équarries de ce véhicule haut sur pattes ne favorisent guère l'aérodynamique, ce qui le rend hypersensible aux vents latéraux. Il faut donc constamment corriger à l'aide du volant, ce qui permet alors de constater une trop grande démultiplication de la direction. Celle-ci est cependant bien dosée, et son faible rayon de braquage facilite les man?uvres sur route comme hors route. Cette fois, l'empattement court est un plus. Mais pour le confort, on repassera... Idem pour les suspensions, dont la robustesse ne fait aucun doute; mais la dureté des amortisseurs entraîne des réactions de la caisse à la moindre inégalité du revêtement.
Vu le piètre état de notre réseau routier, on se retrouve ainsi plus souvent qu'autrement aux prises avec un véhicule instable, dont la conduite peut rapidement devenir une corvée. Ce n'est guère plus drôle dans les virages, où il faut tenir compte de la tenue de route délicate du TJ. Celle-ci est prévisible, certes, mais la limite est rapidement atteinte. Si, en plus, le pavage n'est pas lisse comme un billard, il faut redoubler de prudence, à cause des suspensions qui sautillent. Vous voilà averti. Et ça ne s'arrête pas là: le freinage y va lui aussi de ses réactions imprévisibles, en plus d'être mal servi par une pédale spongieuse. Dans ce dernier cas, on peut parler de problème génétique, car ce mal afflige la famille Jeep au grand complet.
Dans la colonne des plus, mentionnons le rendement du 6 cylindres en ligne de 4,0 litres, offert de série sur les versions Sport et Sahara. La version de base doit pour sa part se contenter du vétuste 4 cylindres de 2,5 litres, un moteur à bout de souffle (120 chevaux...) s'il en est un. Nerveux à bas régime, performant et généreux en couple, le 6 cylindres ne craint pas le dur labeur. Aussi robuste que vaillant, il est fin seul dans sa catégorie. Les deux boîtes de vitesses respirent elles aussi la solidité. Précise et bien étagée, la boîte manuelle tire un meilleur profit du moteur que l'automatique (à 3 rapports), qui cache mal son âge. Mais elle est éprouvée et pour un utilitaire, un vrai, c'est ce qui compte.
Il n'y a pas si longtemps, celui qui s'installait au volant d'un Jeep faisait face à une planche de bord en métal, garnie d'une instrumentation limitée au strict minimum. Cette époque est bel et bien révolue; en lieu et place, on retrouve plutôt un tableau de bord complet, aussi fonctionnel qu'agréable à l'?il. C'est l'une des rares concessions à la modernité évoquées plus haut. On pourrait aussi inclure l'ergonomie et la finition, tous deux en net progrès. Heureusement, d'ailleurs, qu'il y a des espaces de rangement, car le coffre à gants est minuscule; quant à la soute à bagages, elle incite à voyager léger. Très, très léger... Les sièges avant sont aussi confortables que la banquette arrière est inconfortable; de plus, le dégagement pour les jambes à l'arrière est restreint, pour ne pas dire inexistant. Et ne parlons pas de l'insonorisation, un concept abstrait à bord du TJ. Celui-ci est un vrai de vrai, un utilitaire au sens le plus pur du terme. Vu sous cet angle, il mérite considération, car c'est le plus doué et le plus résistant du lot. Sinon, cet objet de culte, si vous vous le procurez pour les mauvaises raisons, risque fort d'enrichir votre vocabulaire liturgique...
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